VASLAV NIJINSKI

(1889-1950)

©Collection Bettmann-Getty

Danseur étoile des Ballets russes de Serge de Diaghilev, Vaslav Nijinski fut, avec Michel Fokine, le brillant maître d’œuvre de la rénovation du ballet classique. La maladie mentale qui le frappa ajoute la dimension du drame à la destinée d’un artiste qui avait été sur scène l’incarnation même de l’élan vital.

Danseur russe. Issu d’une famille de danseurs polonais, il entre à l’École de danse de Saint-Pétersbourg en 1898 et se produit au Mariinski dès 1905, célèbre avant même d’être diplômé. Engagé en 1907, il est le partenaire de M. Kschessinska, N. Pavlova et T. Karsavina. Il est la coqueluche de la vie mondaine russe et rencontre en 1908 S. de Diaghilev dont il devient le protégé. Il participe en 1909, avec sa sœur Bronislava Nijinska, à la première saison des Ballets Russes, contribuant largement à son succès. Il se partage entre les deux compagnies, ne quittant le Mariinski qu’en 1911, après y avoir fait scandale avec un costume trop dépouillé dans Giselle. Adulé du public occidental, il crée les œuvres les plus célèbres de M. Fokine, et réalise sa première chorégraphie en 1912. En 1913, il épouse une jeune hongroise, Romola de Pulsky, dont il aura deux filles, Kyra en 1914 et Tamara en 1920. Ce mariage inopiné bouleverse Diaghilev, qui le licencie aussitôt. Une tentative de monter sa propre compagnie échoue à Londres en 1914. En 1916 et 1917, il est de nouveau engagé par Diaghilev pour les tournées américaines de la troupe, au cours desquelles il crée sa dernière chorégraphie, Till Eulenspiegel. À son retour, il s’installe en Suisse, où apparaissent les premiers signes de sa maladie mentale. Entre deux séjours à l’hôpital, il travaille à un système d’écriture de la danse, dessine, et commence à rédiger son journal, aujourd’hui publié. Il danse en 1919 un dernier solo terrifiant sur la guerre. Il sombre ensuite définitivement dans la folie et meurt à Londres en 1950 ; son corps est transporté en 1953 au cimetière Montmartre à Paris.
Passant inaperçu en société, doté d’un physique ingrat pour un danseur, avec sa petite taille et ses cuisses épaisses, Nijinski entre dans la légende à une époque où la danse masculine est peu appréciée en Europe occidentale. À la perfection de sa technique, marquée par une élévation et un ballon exceptionnels, il joint un pouvoir de séduction et de transfiguration scénique stupéfiants qui font de lui un véritable génie de la danse à la grâce inégalée. Inspirant à Fokine ses plus beaux ballets, il marque à jamais les rôles qu’il a créés, le plus souvent aux côtés de Karsavina. Poète romantique dans les Sylphides, Esclave sensuel dans Schéhérazade, bondissant Arlequin dans Carnaval, douloureux Pantin dans Petrouchka, Fleur androgyne dans le Spectre de la rose, il investit chaque personnage avec une justesse et une plénitude qui emporte le public dans un émerveillement sans cesse renouvelé.
Chorégraphe, Nijinski tourne le dos à la danse qui a fait sa gloire et élabore, avec l’appui de Diaghilev, des œuvres qui déconcertent le public (Jeux), ou le scandalisent (L’Après-midi d’un faune, Le Sacre du printemps). Lent à créer, il ne sait pas se faire comprendre des danseurs, hostiles à une danse si étrangère à leur formation, mais bénéficie de l’assistance constante de sa sœur. Écartant toute virtuosité, il sculpte les corps dans une gestuelle différente pour chaque ballet, totalement originale, et dont seuls quelques artistes (A. Rodin, J. Cocteau, Valentine Hugo entre autres) apprécient la valeur artistique et la puissance d’expression. Comète au destin tragique, son personnage hante l’imaginaire de nombreux artistes, comme M. Béjart qui en donne sa vision dans Nijinski, clown de Dieu.

Source : Marie-Françoise Bouchon sous la direction de Philippe Le Moal, Dictionnaire de la danse, Larousse, 1999

Extrait de l'oeuvre cité dans la machine

TITRE : L’APRÈS-MIDI D’UN FAUNE
ANNÉE : 1912
MUSIQUE : Prélude à l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy
COSTUMES ET DÉCORS : Léon Bakst
AUTEUR DE LA PARTITION : extrait adapté par Noëlle Simonet, 2021
DURÉE DE LA PIÈCE : 9 min 30

Propos

Ballet en un acte de Vaslav Nijinski (1912).
Ce ballet est créé en 1912 à Paris, au théâtre du Châtelet. Nijinski y est accompagné des Ballets russes. Sur la musique du Prélude à l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy, dans des décors et des costumes du peintre Léon Bakst, la danse est inspirée du poème éponyme de Stéphane Mallarmé.
Nijinski provoque le scandale avec cette chorégraphie : relatant les aventures d’un faune surpris par des nymphes, il crée un vocabulaire gestuel inédit, en lien direct avec l’argument du ballet, pour lequel il s’inspire des bas-reliefs et des vases antiques. Dans un espace uniquement bidimensionnel, il oblige les corps à évoluer de profil et en torsion. Le choc viendra aussi de l’attitude ouvertement érotique du faune.


En 2021, Valeria Giuga crée, en étroite collaboration avec Noëlle Simonet, la performance "Faune, Faune, Faune" pour le danseur Daniel Condamines. Pour "Faune Faune Faune" Valeria Giuga et Noëlle Simonet ont travaillé à partir de la partition originelle de la version de Nijinski (1912), de celle de Kurt Jooss (1966) et de Afternoon of a faun de Jerôme Robbins (1953). De ces trois partitions, Valeria Giuga extrait la seule la figure du faune, comme Lifar le fit jadis, afin de créer un solo qui se répète et se transforme comme un rêve récurrent et entêtant.
Voici l’extrait du "Faune" de Nijinski remonté par Noëlle Simonet d’après partition et interprété par Daniel Condamines :

Podcasts France Culture https://www.radiofrance.fr/francemusique/vaslav-nijinski-la-legende-a-l-origine-de-la-danse-moderne-5273550

https://www.franceculture.fr/emissions/personnages-en-personne/le-faune-de-mallarme-debussy-et-nijinski-ou-le-scandale-des-gestes-nouveaux